Focus Réseau Paul Bert

Une ambition agroécologique autour de l’alimentation

En plein cœur de Bordeaux, dans un ancien bâtiment art déco, l’association Réseau Paul Bert est devenue au fil des années un lieu de rencontre entre personnes en grande précarité et habitants du centre ville. L’un des piliers de ce centre social particulièrement engagé : l’agroécologie et le bien-manger pour tous.

À l’angle de la rue Paul Bert et de la rue des Ayres, en plein cœur du Bordeaux historique, surgit l’imposante silhouette d’un bel immeuble art déco des années trente. Larges baies vitrées, porte d’entrée en ferronnerie, installation lumineuse pensée par l’artiste plasticien Claude Lévêque à la renommée internationale… On a du mal à imaginer que ce bâtiment de 1000 m2 est un centre social et culturel.

Le lieu propose un hammam, des douches, une laverie, des cours de français et d’informatique, les services d’écrivains publics, des permanences sociales, neuf logements très sociaux (dont six d’urgence), mais aussi – et c’est plus singulier – une brasserie, un rucher et même un potager… Cela fait longtemps qu’ici l’alimentation et l’agroécologie, au même titre que la culture, l’éducation, la santé ou l’accompagnement social, sont au centre de l’engagement de l’association.

Des ruches au milieu du bitume

Le projet le plus emblématique en la matière est sans doute celui de l’installation de ruches sur le toit-terrasse du bâtiment. Non sans fierté, Christophe Philippe, le directeur, salue les premiers pas du centre en matière d’apiculture. « Nous avons eu jusqu’à six ruches, produit jusqu’à 180 kilos de miel. La mise en pot s’est faite ici, au bar. De l’élevage du cheptel à la distribution des pots de miel, nous avons progressivement appris à maîtriser toute la chaine de production ! ».

Installer des ruches en pleine ville n’a pourtant pas été une affaire simple : « Au milieu du bitume, en plein cagnard, on s’est dit que nos abeilles auraient du mal à tenir le choc… Cela nous a poussé à végétaliser le toit-terrasse avec des plantes mellifères, des légumes, mais aussi des herbes aromatiques ». Hélas, les apprentis apiculteurs voient rapidement arriver les frelons asiatiques. Loin de se décourager, ils cherchent aussitôt une solution écologique. Ce sera l’installation d’un coq et de quatre poules « Noire de Janzay », une race bretonne réputée chasseuse d’insectes et que le frelon asiatique n’effraye pas ! Cette poule en fait même volontiers son repas, l’attrapant d’un coup de bec quand il est en vol stationnaire devant les ruches, puis le décapitant pour ne manger que le corps plein de protéines. Effet collatéral de l’arrivée d’un poulailler sur le toit ? Le chant matinal du coq ne séduit pas tous les riverains. « Cela a permis d’ouvrir le dialogue, de parler du projet. Créer du désordre fait aussi parti de notre méthodologie » précise Christophe d’un air malicieux, avant d’ajouter que « le mécontentement peut aussi produire de la solidarité ».

Un potager dans la rue

Le mécontentement du voisinage, le centre social y est aussi été confronté lors de l’installation d’un potager dans la rue, quelques grincheux préférant y garer leurs voitures plutôt que d’y voir pousser tomates et courgettes. La tension monte, la presse en parle, le conseil municipal s’empare de la question et le maire de l’époque, Alain Juppé, finit par trancher : « On ne va quand même pas faire tout un fromage de cette histoire de plants de tomate ! ». Les lasagnabed, ces litières issues de la fermentation de carton, gazon, fumier et feuilles mortes, posées à même le pavé peuvent donc continuer tranquillement à se transformer en terreau et à recevoir de nouvelles plantations au fil des saisons.

Les gamins et habitants du quartier viennent y glaner quelques fruits et légumes, un lombricomposteur est installé. « Avec nos cent participants, c’est devenu le dernier salon où l’on cause. C’est une manière pour nous de nous réapproprier l’espace public, non pas pour en faire notre propriété, mais pour en faire usage » précise Christophe qui rêve depuis de végétaliser rien moins que toute la rue !

Une brasserie populaire mais de luxe

De la production de légumes sur le bitume à la création d’une brasserie, il n’y a qu’un pas que le Réseau Paul Bert n’hésite pas à franchir. « C’est important d’embarquer les gens dans des aventures exigeantes » précise le directeur de la structure, pas peu fier d’afficher « complet » tous les midis. C’est qu’à la table du Réseau Paul Bert, on mange bien, sain et équilibré pour la modique somme de 4 €. « Ici, les gens paient. Ils ne paient pas très cher mais ils paient. L’échange économique pacifie les relations » précise Emmanuel Jourdes, le directeur général, avant de poursuivre : « le luxe, c’est important, pour toutes les classes sociales. Notre souci est d’offrir aux classes très populaires une nourriture que la bourgeoisie peut se payer ».

En charge de ce luxe à prix réduit, une équipe elle aussi réduite : Vanessa, la cuisinière et des salariés et bénévoles en cuisine et au service. À la brasserie, on peut être un jour bénévole et un autre jour client, donner de son temps ou apporter des ingrédients. Vanessa s’est ainsi vu offrir par un client du restaurant plusieurs kilos de coings. Fruits de saison qu’elle a immédiatement transformés en… dessert du jour. Emmanuel Jourdes avoue être fier de ce projet. « C’est une vraie brasserie populaire, pas taillée pour les pauvres. La mixité est y bien développée, l’ambiance est familiale et décontractée. On a reconstitué une place de village ».

Ruches, potagers, brasserie… quand on lui demande quels seront les prochains projets du Réseau Paul Bert, il évoque en souriant la création d’un spot d’astronomie sur le toit-terrasse « les pieds dans le jardin, la tête dans les étoiles ! ».


Informations pratiques

Réseau Paul Bert

2 Rue Paul Bert, 33000 Bordeaux

Tel +33 (0)5 56 79 20 44

animation.rpb@orange.fr

https://www.facebook.com/reseau.bert/


© Sonia Moumen (rapporteuse des échanges) pour Champs Libres membre de Kus Alliance France

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